Creep alert

« File-moi le bidule qui sert à serrer le machin! » Je m’énerve un peu. « Là! Juste à côté de l’affaire qui fait cric! »

« Tu sais Meag, si tu te donnais la peine d’apprendre le nom des outils, ça faciliterait les choses, » se marre mon patron en ma passant enfin le bidule que je lui ai demandé.

Je marmonne dans ma barbe qu’il peut bien aller se faire foutre s’il continue à me faire chier comme ça. Sa journée est finie; qu’il me laisse bosser en paix. Je sais qu’il aime plus ou moins me laisser seul au garage, parce que je parle mal aux clients, mais on n’est techniquement pas ouverts. Personne ne devrait se pointer, ou alors s’ils le font, j’aurai une fichue de bonne raison pour les envoyer balader. Il finit par me laisser seule et partir. Entre deux coups de bidule, j’en profite pour me tirer de dessous la voiture et changer de station de radio. J’ai rien contre la pop, mais je la préfère en boîte. J’essaie de trouver du rock quelque part, avec un son pas trop merdique. Je finis par tomber sur une radio qui passe The Strokes. En tapant des doigts sur ma cuisse, je retourne sous la voiture pour terminer mon boulot. Ça me prend une bonne heure. Il faut dire que cette machine est arrivée en piteux état ce matin. En fait, elle devrait pas retourner sur la route. Accidentée comme pas possible. Mais c’est pour ça que le patron me fait rentrer en dessous de la table, pour remettre en marche des voitures qui n’existent plus légalement, les faire plaquer et les revendre à profit.

J’ai toujours aimé les voitures, traîner dans les garages et les cours à scrape avec mes amis quand j’étais môme. Jouer dans le cambouis, tout ça. Je revenais à la maison crottée comme pas possible et ma mère me flanquait une volée, mais ça valait le coup. Si c’était à refaire, je le referais. Et je suis douée maintenant. Tout ce qui touche à l’électronique et aux gadgets, c’est zéro pointé, mais pour la mécanique, je ne cède pas ma place. Et je ne vois pas le temps passer.

Quand je termine mon boulot et que la voiture est en bon état, il est passé minuit. Personne n’est venu se frapper le nez contre la porte, heureusement. Enfin jusqu’à maintenant. Je suis en train de fermer les lumières quand je remarque un môme qui se plante devant la porte et me fait signe. Merde. J’ai pas entendu de moteur pourtant. Je voudrais l’éviter, mais si je veux partir, il faut que j’ouvre la porte. Je le fais rapidement et le bouscule presque pour refermer et verrouiller avant qu’il n’ait le temps de faufiler à l’intérieur.

« Mec, t’as vu l’heure? Tu reviendras demain, comme tout le monde. »